Synoptique des trois catéchismes Sommaire du catéchisme de Trente Plan détaillé de cette partie

Vers la suite du texte:  Chapitre quarantième — Première demande de l’Oraison Dominicale

Chapitre trente-neuvième — De l’Oraison Dominicale

Cette formule de prière chrétienne nous vient de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. Et elle est composée de telle sorte qu’avant de nous donner à exprimer nos désirs et nos demandes, elle nous oblige à réciter une sorte de Préface, qui a pour but d’augmenter encore notre confiance envers Dieu et notre piété, au moment où nous allons Lui parler dans la Prière. C’est donc un véritable devoir pour le Pasteur d’expliquer chacun des mots de cette Préface, avec toute la clarté et toute la précision possible, afin que les Fidèles se portent à la Prière avec joie et empressement, sachant bien qu’ils vont traiter avec un Dieu, qui est aussi un Père.

Cette Préface est très courte, si nous ne faisons attention qu’au nombre des paroles qu’elle emploie. Mais si nous allons au fond des choses qu’elle exprime, elle est extrêmement importante, et toute pleine de mystères.

§ I. — NOTRE PÈRE.

Le premier mot que nous prononçons dans cette prière, par l’ordre et l’institution même de Dieu, c’est celui-ci: Pater, Père.

Notre Sauveur aurait pu commencer cette divine Oraison par une expression qui aurait eu plus de majesté, par exemple celle de Créateur et de Seigneur. Il ne l’a pas voulu, parce que de telles expressions pouvaient nous inspirer des sentiments de crainte. Il a choisi un terme qui inspire nécessairement la confiance et l’amour à ceux qui prient, et qui demandent quelque chose à Dieu. Qu’y a-t-il en effet de plus doux que ce nom de Père, qui rappelle tout ensemble l’indulgence et l’amour ? Mais comment ce nom de Père convient-il à Dieu ? C’est ce qu’il est facile d’apprendre aux Fidèles, en leur parlant des mystères de la Création, de la Providence et de la Rédemption.

Dieu a créé l’homme à son image, et II n’a point accordé cette faveur aux autres êtres animés. C’est donc avec raison que pour ce privilège unique dont il a honoré l’humanité la Sainte Eglise l’appelle le Père de tous, aussi bien des Fidèles que des infidèles.

Le gouvernement de ce monde nous fournit un argument semblable. En veillant aux intérêts des hommes, sans jamais les perdre de vue, Dieu par ces soins touchants et cette Providence assidue, ne nous donne-t-Il pas la preuve d’un Amour vraiment paternel ?

Mais pour mettre plus en lumière cette vigilance paternelle de Dieu sur tous les hommes, et pour la rendre plus sensible, il nous semble qu’il y a lieu de dire ici quelque chose des Anges Gardiens qui sont donnés à chacun de nous.

C’est qu’en effet la Providence divine a confié à des Anges la garde du genre humain. Elle les a chargés de protéger sans cesse tous les hommes pour les préserver des dangers qui pourraient les menacer. De même que les parents donnent des gardes et des défenseurs à leurs enfants, lorsqu’ils les voient entreprendre quelque voyage difficile et périlleux, ainsi dans ce voyage que nous faisons tous vers la céleste Patrie, Dieu notre Père nous a confiés à la garde d’un Ange, afin que son secours et sa vigilance nous fissent éviter les embûches secrètement préparées par nos ennemis, repousser les plus terribles attaques dirigées contre nous, marcher constamment dans le droit chemin, et empêcher que quelque piège tendu par notre perfide adversaire ne nous fît sortir de la voie qui mène au ciel.

Et ce qui prouve combien est utile aux hommes cette attention, cette Providence spéciale de Dieu, dont l’exercice et l’application sont confiés aux Anges — lesquels sont de véritables intermédiaires entre Dieu et nous — c’est cette foule d’exemples que nos Saints Livres nous rapportent, et qui nous montrent clairement que la Bonté divine a permis souvent aux Anges d’opérer des prodiges sous les yeux des hommes. Or, pourquoi ces mêmes exemples ne nous convaincraient-ils pas que nos Anges Gardiens font tous les jours, pour notre utilité et pour notre salut, une multitude de choses aussi extraordinaires, bien que nous ne les voyons pas.

Ainsi l’Ange Raphaël, que Dieu donna pour compagnon et pour guide à Tobie dans son voyage, le conduisit et le ramena sans qu’il lui fût arrivé aucun mal. C’est lui qui l’empêcha d’être dévoré par un poisson énorme, et lui fit connaître les vertus secrètes du foie, du fiel et du cœur de ce monstre. C’est lui qui chassa le démon, enchaîna sa puissance et préserva Tobie de ses atteintes. C’est lui qui apprit à ce jeune homme les droits légitimes et l’usage du Mariage. C’est lui enfin qui rendit au père de Tobie la vue dont il avait été privé.

Il en est de même de cet autre Ange qui délivra le prince des Apôtres. L’histoire de ce miracle est un thème admirable, pour convaincre les pieux Fidèles des effets extraordinaires de la vigilance et de la protection de nos Anges Gardiens. Les Pasteurs ne manqueront pas de montrer l’Ange de Saint Pierre illuminant les ténèbres de sa prison, touchant son côté et le secouant en quelque sorte pour l’éveiller, puis dénouant ses chaînes, brisant ses liens, lui commandant de se lever, de prendre ses chaussures et ses vêtements et de le suivre, puis enfin le conduisant et le faisant passer sans obstacle au milieu des gardes, lui ouvrant les portes de la prison, et ne le quittant qu’après l’avoir fait sortir, et l’avoir mis en sûreté.

Nos Saints Livres, comme nous l’avons déjà remarqué, sont pleins d’exemples semblables et bien propres à nous faire comprendre la grandeur des bienfaits que nous recevons de Dieu par le ministère des Anges. Et ce n’est pas seulement pour quelque affaire particulière et déterminée que Dieu nous confie à eux, ou qu’Il les députe vers nous. non, dès notre naissance, Il les prépose à notre garde, et les établit individuellement pour veiller au salut de chacun de nous.

Cette doctrine clairement expliquée aura pour conséquence d’exciter le courage des auditeurs et de les amener à reconnaître et à vénérer avec un plus grand respect les soins paternels et la Providence de Dieu à leur égard.

Ici le Pasteur mettra en pleine lumière et exaltera de toutes ses forces l’immense Bonté de Dieu envers les hommes. II dira que depuis le péché de notre premier père jusqu’à ce jour, Il n’a point cessé d’être outragé par toutes sortes de désordres et de crimes, et que néanmoins Il nous conserve tout son amour, et ne dépose jamais cette sollicitude si touchante qu’Il a pour nous. Penser qu’Il nous oublie serait une folie et en même temps le plus cruel outrage. Dieu s’irrite contre Israël, parce que ce peuple L’avait blasphémé, en s’imaginant que le secours du ciel lui avait été retiré. Ecoutons ce que nous dit l’Exode à ce sujet: [1] « ils ont tenté le Seigneur en disant: Dieu est-Il avec nous, ou n’y est-Il pas ? » et dans Ezéchiel la colère divine s’enflamme de nouveau contre ce même peuple, parce qu’il avait osé dire: [2] « Le Seigneur ne nous voit point, le Seigneur nous a abandonnés ; le Seigneur a abandonné cette terre. » L’autorité de ces exemples suffit pour détourner les Fidèles de cette pensée abominable, que Dieu puisse jamais oublier les hommes. Dans le Prophète Isaïe nous lisons les plaintes insensées du peuple d’Israël contre Dieu, et la réponse pleine de bonté que Dieu voulait bien y faire par une comparaison touchante. [3] « Sion dit: Le Seigneur m’a délaissée ; mon Dieu m’a oubliée. Mais, répond le Seigneur, une mère peut-elle oublier son enfant, et n’être pas émue par le fils de ses entrailles ? et cependant quand elle l’oublierait, Moi Je ne t’oublierai jamais. Je te porte gravée dans mes mains. »Les textes que nous venons de citer établissent très clairement que Dieu n’oublie jamais les hommes, et que, en tout temps, Il leur prodigue les témoignages de sa tendresse paternelle. Mais pour convaincre davantage encore le peuple fidèle de cette double vérité, les Pasteurs apporteront en preuve l’exemple si connu de nos premiers parents: ils avaient méprisé et violé les ordres formel de Dieu ;ils avaient été sévèrement blâmés et condamnés, et cette sentence effrayante était tombée sur eux: [4] « La terre est maudite dans votre travail ; vous n’en tirerez chaque jour votre nourriture qu’avec un grand labeur. Elle ne produira pour vous que des épines et des chardons ; et vous vous nourrirez de l’herbe de la terre. » Ils avaient été chassés du paradis terrestre ; et pour leur ôter tout espoir d’y jamais rentrer, Dieu avait placé à l’entrée du jardin de délices un Chérubin de feu, tenant à la main un glaive flamboyant qu’il brandissait toujours ; enfin Dieu, pour se venger contre eux de leur outrage, les avait accablés de tous les maux intérieurs et extérieurs. A la vue de ces terribles châtiments, ne dirait-on pas que c’en est fait de l’homme ? ne croirait-on pas qu’il est pour toujours dénué de tout secours divin, et réservé à toutes les misères ? et cependant, au milieu de tant et de si cruelles preuves de la colère et de la vengeance divines, on vit paraître comme une lueur de la Bonté de Dieu à leur égard. « Le Seigneur Dieu, nous dit la Genèse [5], fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau, et Il les en revêtit. » Marque évidente, entre tant d’autres, que Dieu n’abandonnera jamais les hommes.

Cette pensée, si belle et si vraie, que jamais l’iniquité humaine n’épuisera la Bonté de Dieu, David l’exprimait aussi en ces termes: [6] « La colère de Dieu enchaînera-t-elle ses miséricordes ? » Habacuc l’énonçait également quand il disait en s’adressant à Dieu: [7] « Même au temps de votre colère, Vous Vous souviendrez de votre miséricorde » et Michée la rendait ainsi: [8] « Qui est semblable à Vous, ô Dieu, qui ôtez l’iniquité, et qui oubliez les péchés du reste de votre héritage ? Le Seigneur n’enverra plus désormais sa fureur, parce qu’Il veut la miséricorde. »

Oui, c’est bien ainsi que les choses se passent. C’est au moment où nous nous croyons perdus et absolument délaissés de Dieu, c’est alors qu’Il nous cherche avec une Bonté infinie, et qu’Il prend soin de nous. Il suspend dans sa colère le glaive de sa justice, et II ne cesse de répandre sur nous les inépuisables trésors de sa miséricorde.

La Création d’une part, et la Providence de l’autre, sont donc très propres à faire ressortir les dispositions particulières de Dieu à aimer et à protéger le genre humain. Mais sous ce rapport, l’œuvre de notre Rédemption l’emporte tellement sur les deux autres, que c’est par ce troisième bienfait que notre Dieu infiniment bon, et qui est en même temps notre Père, met vraiment le comble à tous ses bienfaits.

Le Pasteur enseignera donc aux Fidèles, qui sont ses enfants spirituels, et il leur rappellera sans cesse cet effet incomparable de la Charité divine à notre égard, afin qu’ils comprennent bien que la Rédemption a fait d’eux, d’une manière merveilleuse, de vrais enfants de Dieu. « Car le Verbe, dit Saint Jean [9], leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, et ils sont nés de Dieu. » C’est pourquoi le Baptême, qui est le premier gage et le premier effet de notre Rédemption, est appelé le Sacrement de la régénération ; car c’est par lui que nous naissons enfants de Dieu. « Ce qui est né de l’esprit, est esprit, dit Notre-Seigneur Lui-même [10]. » Et encore: « Il faut que vous receviez une nouvelle naissance. » Et Saint Pierre dit aussi: [11] « Vous êtes nés de nouveau, non point d’une semence corruptible, mais d’une semence incorruptible, par la parole du Dieu vivant. »

C’est par le mérite de cette Rédemption que nous avons reçu le Saint-Esprit et que nous avons été jugés dignes de la Grâce de Dieu. C’est ce don aussi qui nous a valu l’être adoptés pour ses enfants, ainsi que l’Apôtre Saint Paul l’écrit aux Romains. « Vous n’avez point reçu, dit-il [12], l’esprit de servitude pour vous conduire encore par la crainte, mais vous avez reçu l’esprit d’adoption des enfants par lequel nous crions: Père, Père ! » et Saint Jean explique la force et l’efficacité de cette adoption, en disant [13] : « Considérez quel amour le Père a eu pour nous, de vouloir que nous soyons appelés, et que nous soyons vraiment enfants de Dieu. »

Ces explications données, il ne faut pas manquer de représenter aux Fidèles ce qu’ils doivent en retour à Dieu, le plus aimant des Pères, c’est-à-dire leur faire sentir combien ils ont à témoigner d’amour, de piété, d’obéissance, et de respect à Celui qui les a créés, qui les gouverne et qui les a rachetés, et avec quel espoir et quelle confiance ils doivent L’invoquer. Mais pour éclairer les ignorants. Et pour redresser les idées fausses de ceux qui pourraient considérer la prospérité et le cours d’une vie heureuse comme l’unique preuve que Dieu nous continue son amour, et l’adversité et les malheurs qui nous éprouvent, comme un signe qu’Il nous a complètement retiré son attachement et qu’Il a contre nous des dispositions hostiles, il sera nécessaire de démontrer que lorsque la main du Seigneur nous frappe, elle ne frappe jamais en ennemie ; qu’elle guérit en frappant, et qu’une plaie qui vient de Dieu est un véritable remède.

C’est qu’en effet, Il châtie ceux qui pèchent, afin que la punition les rende meilleurs, et que la peine présente les délivre de la peine éternelle. « Il visite, il est vrai, nos iniquités la verge à la main, et Il frappe nos péchés, mais Il ne nous retire point sa Miséricorde [14] »

II faut donc recommander aux Fidèles de voir dans ces sortes de châtiments l’effet de la paternelle Bonté de Dieu, d’avoir par conséquent, et dans le cœur et sur les lèvres, ces paroles de Job, le plus patient des hommes [15] : « Il blesse, et Il guérit ; Il frappe, et sa maint applique le remède », de se redire souvent ce que Jérémie écrivait sous le nom des enfants d’Israël [16]: « Vous m’avez frappé, et je me suis instruit, comme un jeune taureau indompté ; convertissez-moi, et je serai converti, parce que Vous êtes le Seigneur mon Dieu », de se proposer enfin l’exemple de Tobie qui, étant devenu aveugle, reconnut la main paternelle de Dieu dans ce malheur, et s’écria [17] : « Je Vous bénis, Seigneur, Dieu d’Israël, parce que Vous m’avez châtié, et que Vous m’avez sauvé. »

Enfin les Fidèles doivent bien se garder de croire que, quels que soient leurs revers ou leurs malheurs, Dieu puisse les ignorer. Certes, Il a dit Lui-même [18]: « Il ne tombera pas un cheveu de votre tête », à mon insu. Qu’ils se consolent donc bien plutôt par cet oracle divin que nous lisons dans l’Apocalypse [19]: « Ceux que J’aime, Je les reprends et Je les châtie. » Qu’ils se tiennent en paix, en relisant cette exhortation de Saint Paul aux hébreux [20] : « Mon fils, ne négligez point la correction du Seigneur, et ne vous laissez point abattre lorsqu’Il vous reprend. Car c’est celui qu’Il aime qu’Il châtie, et il frappe à coups de verge tous ceux qu’il reçoit parmi ses enfants. Si vous n’êtes point châtiés, vous êtes donc des enfants étrangers à Dieu et qu’Il n’a pas adoptés. nous avons eu du respect pour les pères de nos corps, lorsqu’ils nous corrigeaient, combien ne devons-nous pas avoir plus de soumission pour Celui qui est le Père de nos âmes, afin d’avoir la vie ? »

§ II. — POURQUOI CHACUN DIT-IL nOTRE PÈRE

Lorsque nous prions Dieu le Père, chacun en notre particulier, nous L’appelons néanmoins notre Père, nous sommes donc bien avertis par là que le privilège et les droits de l’adoption divine font que tous les Fidèles sont frères, et qu’ils doivent s’aimer en frères. « Vous êtes tous frères, dit Jésus-Christ [21], et vous n’avez qu’un seul Père dans les cieux. » C’est pourquoi, dans leurs Epîtres, les Apôtres donnent aux Fidèles le nom de frères.

Une autre conséquence nécessaire de cette adoption, c’est que non seulement tous les Fidèles sont unis entre eux par les liens de la fraternité, mais que le Fils de Dieu étant homme, ils sont encore appelés des frères, et le sont en effet. Dans son épître aux Hébreux, l’Apôtre Saint Paul, parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ, écrit ces paroles remarquables [22]: « Il n’a point rougi d’appeler les hommes ses frères, en disant: J’annoncerai votre nom à mes frères. » Et bien longtemps auparavant David avait mis ces mêmes paroles dans sa bouche [23]. Mais du reste, ne savons-nous pas en quels termes Jésus-Christ Lui-même s’adresse aux saintes Femmes [24]: « Allez, annoncez à mes frères de se rendre en Galilée ; c’est là qu’ils Me verront. »

Or, chacun sait que Notre-Seigneur prononça ces paroles après sa Résurrection, lorsque déjà il était devenu immortel. Ainsi personne n’aurait le droit de croire que les liens de fraternité qui nous unissaient à Lui avaient été brisés par sa Résurrection et par son Ascension. Et non seulement ces liens n’ont pas été rompus, non seulement notre union avec Lui et la Charité fraternelle qu’Il a pour nous n’ont pas été détruites, mais nous savons qu’un jour, lorsque du haut de son trône de gloire et de majesté Il jugera tous les hommes rassemblés devant Lui, ce jour-là, Il donnera ce doux nom de frères aux moindres d’entre les Fidèles.

Au surplus, comment pourrait-il se faire que nous ne fussions pas les frères de Jésus-Christ, nous dont il est dit [25] que nous sommes ses cohéritiers ? Sans doute, Il est [26] le premier né, l’héritier constitué de tout ; mais nous avons été engendrés après Lui, pour être ses cohéritiers, dans la mesure des dons de Dieu, et selon l’étendue de la Charité avec laquelle nous aurons coopéré à la vertu du Saint Esprit et à l’action de la grâce. Car, [ne l’oublions pas] c’est le Saint Esprit qui nous porte à la vertu, qui nous pousse aux bonnes œuvres, qui enflamme notre ardeur, qui nous fortifie par sa Grâce et nous donne le courage de descendre dans l’arène pour les combats du salut. C’est Lui qui nous aide à les soutenir jusqu’au bout avec constance et habileté. C’est Lui enfin qui, après cette vie, nous fait obtenir du Père céleste la juste récompense de la couronne promise à tous ceux qui auront fourni la même carrière. « Car, dit l’Apôtre [27], Dieu n’est pas injuste pour oublier nos bonnes œuvres et notre amour pour Lui. »

Saint Jean Chrysostome nous dit en fort bons termes avec quels sentiments du cœur nous devons prononcer le mot notre. « Dieu, dit-il [28], écoute volontiers le Chrétien qui ne prie pas seulement pour lui-même, mais encore pour les autres. Prier pour soi, c’est l’inspiration de la nature, prier pour les autres, c’est l’inspiration de la grâce. En priant pour soi, on obéit d la nécessité, en priant pour les autres, on cède aux exhortations de la Charité fraternelle. » Or, ajoute-t-il « La Prière qui vient de la Charité fraternelle est plus agréable à Dieu que celle qui procède de la nécessité. »

En traitant une si importante matière, le Pasteur ne manquera pas d’engager et même d’exhorter fortement tous les Fidèles, sans distinction d’âge, de rang et de condition, à ne jamais oublier qu’ils sont unis entre eux par les liens d’une fraternité universelle, et que, par conséquent, ils doivent se traiter mutuellement comme des amis et des frères, et ne pas chercher à s’élever orgueilleusement les uns au-dessus des autres. Et en effet, bien qu’il y ait dans l’Eglise de Dieu des fonctions de différents degrés, cependant cette diversité de dignités et d’emplois ne détruit en aucune façon les rapports d’union fraternelle qui existent entre nous. Ainsi, dans le corps humain, la variété des fonctions et des destinations de chaque membre, n’empêche nullement que toutes les parties du corps n’en soient de véritables membres. Prenons un homme revêtu de l’autorité royale. S’il est Chrétien, n’est-il pas le frère de tous ceux qui comme lui font partie de la Communion chrétienne ? Oui, sans aucun doute, et pourquoi ? parce qu’il n’y a pas un Dieu pour les pauvres, et un Dieu pour les riches et les rois, un Dieu qui a fait les pauvres, et un Dieu qui a créé les rois et leur a donné la puissance. non, il n’y a qu’un seul Dieu, un seul Père, un seul Seigneur de tous les hommes.

De là pour tous sans exception, dans l’ordre spirituel, même noblesse d’origine, même dignité, même splendeur de race, puisque tous nous avons été régénérés par le même esprit, puisque tous nous sommes devenus enfants de Dieu par le même sacrement de la Foi, et cohéritiers du même héritage avec Jésus-Christ. Il n’y a pas un Christ Rédempteur pour les riches et les puissants, et un autre pour les pauvres et les petits. tous participent aux mêmes Sacrements, tous attendent le même héritage, c’est-à-dire le Royaume céleste. nous sommes tous frères, et comme le dit l’Apôtre Saint Paul aux Ephésiens [29]: « Nous sommes les membres du corps de Jésus-Christ, formés de sa chair et de ses os. » Vérité que le même Apôtre exprime encore en ces termes, dans son Epître aux Galates [30]: « Vous êtes tous enfants de Dieu par la Foi en Jésus-Christ ; car vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous êtes revêtus de Jésus-Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme ; vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ. »

Ce point veut être traité et établi avec le plus grand soin. C’est pourquoi les Pasteurs devront y revenir souvent, comme sur une vérité bien propre à relever et à encourager les pauvres et les malheureux, et en même temps capable de réprimer et d’abattre l’arrogance des riches et des puissants. C’est précisément pour remédier à ce mal que l’Apôtre Saint Paul revenait si souvent et avec tant de force et d’instance sur cette Charité fraternelle, qu’il voulait faire pénétrer dans le cœur des Fidèles.

Souvenez-vous donc, ô Chrétien, au moment d’adresser cette Prière au Seigneur, que vous devez parler à Dieu comme un enfant à son père. Dès lors, en la commençant, et en prononçant ces mots: Notre Père, pensez à quelle dignité Dieu dans sa Bonté infinie a voulu vous élever ! Il vous ordonne de vous présenter devant Lui, non par contrainte et en tremblant, comme un esclave devant son maître, mais de vous réfugier auprès de Lui en toute liberté et en parfaite confiance comme un enfant auprès de son père. Que ce souvenir et cette pensée vous fassent comprendre avec quelle ferveur et quelle piété vous devez prier. Efforcez-vous d’être tel qu’il convient à un enfant de Dieu, c’est-à-dire que vos Prières et vos actions ne soient jamais indignes de la divine origine qu’il a plu à sa Bonté de vous donner. C’est là en effet ce que nous recommande l’Apôtre, quand il dit: [31] « Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien aimés. » Alors on pourra dire de nous avec vérité ce que le même Apôtre écrivait aux Thessaloniciens: [32] « Vous êtes tous les enfants de la lumière, et les fils du jour. »

§ III. — QUI ÊTES DANS LES CIEUX.

Tous ceux qui ont de Dieu l’idée qu’il en faut avoir sont d’accord pour reconnaître qu’Il est partout et en tous lieux. Ce n’est pas à dire pour cela qu’Il soit dans tous les lieux d’une manière partielle, comme si sa substance était partagée et distribuée en quelque sorte entre toutes les parties de l’espace, pour las occuper et les protéger. non, Dieu est un esprit, et Il ne souffre peint de division. Qui oserait Lui assigner une place particulière et Le circonscrire dans certaines limites, lorsqu’Il dit de Lui-même: [33] « Est-ce que Je ne remplis pas le ciel et la terre ? » Paroles qui, à leur tour, doivent s’entendre en ce sens que Dieu, par sa Puissance et son Immensité, embrasse le ciel et la terre, et tout ce que le ciel et la terre renferment, mais sans être Lui-même contenu dans aucun lieu. Il est présent à tout, soit pour créer, soit pour conserver ; mais Il n’est ni circonscrit, ni borné dans telle ou telle contrée ou dans telles ou telles limites ; Il est présent partout par sa substance et par son pouvoir. C’est ce que le Saint roi David exprimait en ces termes: [34] « Si je monte au ciel, Vous y êtes. »

Mais si Dieu est présent partout, en tout lieu et en toutes choses, sans être borné, comme nous l’avons dit, par aucune limite, cependant nos Saints Livres nous répètent souvent qu’Il a son séjour dans le ciel. La raison en est que les cieux que nous voyons au-dessus de nos têtes sont la plus noble partie du monde, qu’ils demeurent incorruptibles, qu’ils surpassent tous les autres corps en force, en grandeur, en beauté, et qu’ils sont doués de certains mouvements réguliers et constants. C’est donc pour exciter les hommes à contempler sa Puissance infinie et sa Majesté, qui brillent surtout dans l’œuvre des cieux, qu’Il nous atteste dans la Sainte Ecriture que le ciel est son séjour. toutefois, Il déclare souvent aussi qu’il n’y a réellement aucune partie du monde, où Il ne soit présent par sa nature et par sa Puissance.

Au reste en méditant ces choses, les Fidèles chercheront à se représenter Dieu non seulement comme le Père commun de tous les hommes, mais encore comme Celui qui règne dans les cieux. Dès lors, à l’heure de la Prière, ils se souviendront qu’ils doivent porter vers le ciel leur esprit et leur cœur ; et plus le nom de Père leur inspirera d’espoir et de confiance, plus les sentiments de l’humilité et du respect croîtront en eux à la vue de l’Etre souverainement parfait, et de la Majesté infinie de Notre Père qui est dans les cieux. 

Ces mêmes paroles déterminent encore ce que nous devons demander à Dieu dans la Prière. toute demande qui porterait sur les besoins et les nécessités de la vie, sans avoir aucun rapport aux besoins spirituels et aux biens du ciel, serait vaine et indigne d’un Chrétien. C’est pourquoi les Pasteurs se feront un devoir d’enseigner à leurs pieux auditeurs cette manière de prier, et ils pourront s’appuyer en cela sur l’autorité de l’Apôtre Saint Paul, qui disait: [35] « Si vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, cherchez les choses d’en haut où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu ; n’ayez de goût que pour les choses du ciel, et non pour celles de la terre. »


[1] Exod., 17, 7.

[2] Ezech., 8, 12.

[3] [Note du webmaster : Référence manque dans l’édition papier]

[4] Genes., 3, 21. 

[5] Genes., 3, 22. 

[6] Psal., 76, 10. 

[7] Hab., 3, 2. 

[8] Mich., 7, 18. 

[9] Joan., 1, 12. 

[10] Joan., 3, 6. 

[11] 1 Pet., 1, 23. 

[12] Rom., 8, 5. 

[13] 1 Joan., 3, 1. 

[14] Psal., 88, 34. 

[15] Job., 5, 18. 

[16] Jér., 31, 18. 

[17] Tob., 11, 17. 

[18] Luc., 21, 18. 

[19] Ap., 3, 19. 

[20] Hebr., 12, 5. 

[21] Matth., 23, 8. 

[22] Heb 2, 11. 

[23] Psal., 21, 25. 

[24] Matth., 28, 10. 

[25] Rom., 8, 17. 

[26] Hebr., 1, 2. 

[27] Hebr., 6, 10. 

[28] Hom., 14. 

[29] Eph., 5, 20. 

[30] Gal., 3, 26. 

[31] Eph., 5, 1. 

[32] 1 Thess., 5, 5. 

[33] Jer., 23, 24. 

[34] Psal., 138, 8. 

[35] Colos., 3, 1.