Synoptique des trois catéchismes Sommaire du catéchisme de Trente Plan détaillé de cette partie

Vers la suite du texte:  Chapitre vingt-troisième — Du sacrement de la Pénitence (suite)

Chapitre vingt-deuxième — Du sacrement de Pénitence (suite)

De la contrition

§ I. — QU’EST-CE QUE LA CONTRITION

Voici comment la définissent les Pères du Concile de Trente: [1] « La Contrition est une douleur de l’âme et une détestation du péché commis, avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. » Puis parlant un peu plus loin du mouvement de la Contrition, ils ajoutent: Ce mouvement prépare à la rémission des péchés, pourvu qu’il soit accompagné de la confiance en la miséricorde de Dieu et de la volonté de faire tout ce qui est nécessaire pour bien recevoir le sacrement de Pénitence.

Cette définition fera très bien comprendre aux Fidèles que l’essence de la Contrition ne consiste pas seulement à cesser de pécher, à prendre la résolution de mener une vie nouvelle, ou même commencer déjà ce nouveau genre de vie, mais encore et surtout à détester et à expier le mal de la vie passée. C’est ce que prouvent parfaitement ces gémissements des Saints que nous retrouvons si souvent dans nos saintes Lettres. « Je m’épuise à gémir, dit David [2], je baigne toutes les nuits mon lit de mes larmes. Et encore [3] Le Seigneur a écouté la voix de mes pleurs. »

Isaïe s’écrie à son tour: [4] « Je repasserai en votre présence, Seigneur, toutes mes années dans l’amertume de mon âme. » Paroles qui, comme tant d’autres semblables, sont l’expression évidente d’un repentir profond des fautes commises et de la détestation de la vie antérieure.

Mais quand on dit que la Contrition est une douleur, il faut avertir les Fidèles de ne point s’imaginer qu’il est ici question d’une douleur extérieure et sensible. La Contrition est un acte de la volonté. Et Saint Augustin nous avertit que « la douleur accompagne le repentir, mais qu’elle n’est pas le repentir. [5] » Les Pères du Concile se sont servis du mot douleur pour exprimer la haine et la détestation du péché, soit parce que la sainte Ecriture s’en sert elle-même: « Jusques à quand, s’écrie David, [6] mon âme sera-t-elle agitée de pensées diverses, et mort cœur en proie à la douleur durant le jour entier ? » soit aussi parce que la Contrition engendre la douleur dans cette partie inférieure de l’âme qui est le siège de la concupiscence. Ce n’est donc pas à tort qu’on a défini la Contrition une douleur, puisqu’elle produit précisément de la douleur, et que les pénitents, pour exprimer plus sensiblement celle qu’ils ressentent, ont coutume de changer même leurs vêtements ; ainsi qu’on le voit par ces paroles de notre Seigneur dans Saint Matthieu: [7] « Malheur à toi Corozaïn ! Malheur à toi Bethsaide ! parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de vous, avaient été accomplis Tyr et à Sidon, ces villes auraient fait pénitence sous le cilice et la cendre. »

C’est encore avec raison que la détestation du péché dont nous parlons a reçu le nom de Contrition. On voulait exprimer par là la violence de la douleur qu’elle cause. Il y a dans ce mot une figure empruntée aux choses matérielles qui se brisent en morceaux, quand on les frappe avec une pierre ou un autre corps plus dur. De même le mot de Contrition signifie que nos cœur s endurcis par l’orgueil sont brisés et broyés par la force du repentir. Et c’est pourquoi aucune autre douleur, — qu’elle soit causée par la mort de parents et d’enfants chéris, ou par toute autre calamité — ne prend jamais ce nom ; il est absolument réservé à cette douleur que nous fait éprouver la perte de la grâce de Dieu et de l’innocence.

Il est encore d’autres termes que l’on emploie assez fréquemment pour désigner cette détestation du péché. tantôt elle s’appelle brisement du cœur, parce que l’Ecriture Sainte prend souvent le cœur pour la volonté. De même que le cœur est le principe des mouvements du corps, de même aussi la volonté règle et gouverne toutes les autres puissances de l’âme. tantôt les Pères lui donnent le nom de componction du cœur, en sorte qu’ils ont donné ce titre aux ouvrages qu’ils ont écrits sur la Contrition. De même en effet qu’on ouvre avec le fer un ulcère qui est enflé, afin que le pus qu’il renferme puisse en sortir, ainsi le scalpel de la Contrition, — si l’on peut parler de la sorte — ouvre les cœurs, pour en faire sortir le poison mortel du péché. Aussi le Prophète Joël [8] appelle-t-il la Contrition « un déchirement du cœur » « Convertissez-vous n moi de tout votre cœur, dans le jeune, dans les pleurs et dans les gémissements, et déchirez vos cœurs. »

§ II. — QUALITÉS DE LA CONTRITION.

La douleur d’avoir offensé Dieu par le péché doit être souveraine, et telle que l’on ne puisse en concevoir de plus grande. Il est facile de démontrer cette vérité par les considérations suivantes

Puisque la vraie Contrition est un acte de Charité qui procède de la crainte filiale, il est évident que la Contrition ne doit point avoir d’autre mesure que la Charité elle-même. Et comme la Charité par laquelle nous aimons Dieu est l’amour le plus grand, il s’en suit que la Contrition doit emporter avec elle la douleur de l’âme la plus vive. Dès lors que nous devons aimer Dieu plus que toutes choses, plus que toutes choses aussi nous devons détester ce qui nous éloigne de Lui. Et ce qui confirme notre raisonnement, c’est que les saintes Ecritures emploient les mêmes termes pour exprimer l’étendue de la Charité et celle de la Contrition. Ainsi, en parlant de la première elles disent [9]: « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur ; » et, quand il s’agit de la Contrition le Seigneur nous crie par la bouche du Prophète [10] : « Convertissez-vous de tout votre cœur. »

En second lieu, de même que Dieu est le premier de tous les biens que nous devons aimer, de même aussi le péché est le premier et le plus grand de tous les maux que les hommes doivent haïr. Et par conséquent la même raison qui nous oblige à reconnaître que Dieu doit être souverainement aimé, nous oblige également à concevoir pour le péché une haine souveraine. L’amour de Dieu doit être préféré à tout. Même pour conserver sa vie il n’est pas permis de pécher. Il y a là pour nous un devoir formel. Ecoutons plutôt ces paroles de Notre-Seigneur [11]: « Celui qui aime son père ou sa mère plus que Moi n’est pas digne de Moi. » Et encore [12]: « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra. »

Remarquons encore que la charité, au témoignage de Saint Bernard, ne peut avoir ni limite, ni mesure. Car, dit-il: « La mesure d’aimer Dieu, est de L’aimer sans mesure. » Par conséquent il doit en être de même de la détestation du péché. Elle ne peut être limitée.

Ce n’est pas assez que cette détestation du péché soit souveraine, il faut encore qu’elle soit si vive et si profonde, qu’elle exclue toute négligence et toute paresse. Il est écrit dans le Deutéronome [13]: « Lorsque vous chercherez le Seigneur votre Dieu, vous Le trouverez, pourvu cependant que vous Le cherchiez de tout votre cœur, et dans toute la douleur de votre âme. » Et dans Jérémie [14] : « Vous Me chercherez, et vous Me trouverez lorsque vous M’aurez cherché de tout votre cœur ; car alors Je me laisserai trouver par vous, dit le Seigneur. »

Mais, quand même notre Contrition ne serait pas aussi parfaite que nous venons de le dire, notre repentir pourrait cependant être véritable et efficace. Il arrive souvent que les choses sensibles font sur nous des impressions plus vives que les choses spirituelles. Et l’on voit des personnes à qui la mort de leurs enfants, par exemple, cause une douleur plus vive que la laideur du péché. II n’est pas non plus nécessaire, pour que la Contrition soit réelle, qu’elle fasse verser des larmes. toutefois ces larmes sont bien désirables dans la Pénitence, et il faut y exciter fortement. « Vous n’avez point les entrailles de la piété chrétienne, dit très bien Saint Augustin [15], vous qui pleurez un corps que l’âme a quitté, et qui ne pleurez point une âme dont Dieu s’est éloigné. » C’est aussi ce que signifient ces paroles de notre-Sauveur que nous avons rapportées plus haut [16]: « Malheur à toi, Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de vous s’étaient accomplis dans Tyr et dans Sidon, ces villes auraient fait pénitence sous le cilice et la cendre. » Mais il nous suffit, pour établir cette vérité, de rappeler les exemples fameux des ninivites [17], de David [18], de la femme pécheresse [19] et du prince des Apôtres [20], qui tous implorèrent avec des larmes abondantes la miséricorde de Dieu, et obtinrent par là le pardon de leurs péchés.

Il sera bon d’apprendre aux Fidèles et de les exhorter de la manière la plus pressante à former un acte particulier de Contrition pour chaque péché mortel. nous le concluons de ces paroles d’Ezéchias [21]:, « Je repasserai en votre Présence toutes les années de ma vie dans l’amertume de mon âme. » Repasser toutes ses années dans son esprit, c’est rechercher ses péchés les uns après les autres, pour les déplorer du fond du cœur, chacun en particulier. nous lisons encore dans Ezéchiel [22]: « Si l’impie fait pénitence de tous ses péchés, il vivra. » C’est dans le même sens que Saint Augustin dit: [23] « Que le pécheur examine la qualité de son péché d’après le lieu, le temps, la chose et la personne. »

Mais que les Fidèles ne désespèrent jamais de la bonté et de la clémence infinie de notre Dieu, souverainement désireux de notre salut. Ce Dieu n’apporte jamais de retard à nous accorder notre pardon ; Il étend sa tendresse paternelle sur le pécheur aussitôt qu’il rentre en lui-même et qu’il déteste tous ses péchés en général, pourvu seulement qu’il ait l’intention de les rappeler plus tard, s’il le peut, à son souvenir, et de les détester chacun en particulier.

C’est ce que le Seigneur Lui-même nous ordonne d’espérer, quand Il dit par son Prophète [24]: « Du jour où l’impie se sera converti, son impiété ne lui nuira plus. »

Après ce que nous venons de dire, il est facile de voir quelles sont les conditions nécessaires à une véritable Contrition. Ces conditions doivent être expliquées aux Fidèles avec le plus grand soin, afin que tous sachent par quels moyens ils pourront l’acquérir, et qu’ils aient une règle sûre pour discerner jusqu’à quel point ils peuvent être éloignés de la perfection de cette vertu.

La première chose nécessaire, c’est de haïr et de détester tous les péchés que nous avons eu le malheur de commettre. Si nous n’éprouvions de repentir que pour quelques-uns seulement, notre Pénitence ne serait point salutaire. Elle serait fausse et simulée. Car, comme il est écrit dans l’Apôtre Saint Jacques: [25] « Celui qui observe toute la Loi excepté en un seul point qu’il transgresse est coupable de la Loi tout entière. »

La seconde, c’est que notre Contrition renferme la volonté de nous confesser et de satisfaire: deux points dont nous parlerons tout à l’heure.

La troisième, c’est que le pénitent prenne la résolution ferme et sincère de réformer sa conduite. Le Prophète nous l’enseigne clairement par ces paroles: [26] « Si l’impie fait pénitence de tous les péchés qu’il a commis, s’il observe tous mes Commandements, et qu’il pratique la justice et le jugement, il vivra de la vie, et il ne mourra point ; et Je ne me souviendrai point de toutes les iniquités qu’il a commises. » Et un peu plus loin il dit encore : « Lorsque l’impie aura quitté l’impiété qu’il a commise, et qu’il pratiquera la justice et le jugement, il donnera la vie à son âme. » Et enfin il ajoute: « Convertissez-vous et faites pénitence de tous vos péchés, et votre iniquité ne tournera pas à votre raine. Jetez loin de vous toutes vos prévarications, par lesquelles vous avez péché, et faites vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. » C’est là aussi ce que Notre-Seigneur ordonne Lui-même à la femme oui avait été surprise en adultère: [27] « Allez, lui dit-il, et ne péchez plus, » et au paralytique qu’Il avait guéri près de la piscine: [28] « Voilà que vous êtes guéri, prenez garde de ne plus pécher. »

D’ailleurs la nature et la raison elle-même nous montrent clairement qu’il y a deux choses absolument nécessaires pour rendre la Contrition sincère et véritable, à savoir le repentir des péchés commis, et la résolution de n’en plus commettre à l’avenir. Quiconque veut se réconcilier avec un ami qu’il a offensé doit tout ensemble déplorer l’injure et l’outrage dont il s’est rendu coupable à son égard, et ne rien négliger dans la suite pour éviter de blesser en quoi que ce soit la religion de l’amitié.

Mais ces deux choses doivent encore être nécessairement accompagnées de l’obéissance, car il est juste que l’homme obéisse à la loi naturelle, divine ou humaine à laquelle il est soumis. Si donc un pénitent a dérobé quelque chose à son prochain par violence ou par fraude, il est obligé de restituer. De même il doit faire satisfaction par quelque service et quelque bienfait à celui qu’il a lésé, en parole ou en action, dans ses emplois ou dans sa vie. tout le monde connaît cette parole de Saint Augustin qui est devenue un véritable axiome: [29] « Le péché n’est point remis, si ce que l’on a pris n’est point rendu. »

Mais parmi les conditions que la Contrition exige, il ne faudrait pas considérer comme peu important et peu essentiel de remettre et de pardonner entièrement toutes les injures qu’on a reçues. Notre-Seigneur et Sauveur nous en avertit et nous dénonce Lui-même cette obligation: [30] « Si vous remettez aux hommes leurs offenses envers vous, votre Père céleste vous remettra les vôtres ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, mon Père non plus ne vous pardonnera point. »

Voilà ce que les Fidèles ont à observer dans la Contrition. toutes les autres dispositions que les Pasteurs pourront facilement déduire de celle-ci peuvent bien rendre la Contrition plus parfaite et plus entière en son genre ; mais elles ne doivent pas être regardées comme absolument nécessaires, et l’on peut, sans elles, avoir un repentir véritable et suffisant.

§ III. — DES EFFETS DE LA CONTRITION ET DES MOYENS DE L’EXCITER.

Mais comme ce n’est pas assez pour les Pasteurs d’enseigner sua Fidèles toutes les obligations qui ont trait au salut, et qu’ils doivent encore, par toute sorte de soins et d’efforts les amener à conformer leur vie tout entière sua devoirs qui leur sont prescrits, ils feront une chose extrêmement utile, s’ils leur rappellent souvent la vertu et les effets de la Contrition. Les autres œuvras de piété, comme le soulagement des pauvres, les jeûnes, la prière et beaucoup d’autres choses semblables, d’ailleurs très bonnes et très saintes de leur nature, sont quelquefois rejetées de Dieu par la faute de ceux qui les font. Mais la Contrition ne saurait jamais cesser de Lui être chère et agréable. « Vous ne rejetterez point, ô mon Dieu, dit le Prophète, [31] un cœur contrit et humilié. » Bien plus mous n’avons pas plus tôt conçu cette Contrition dans notre cœur, que Dieu sur le champ nous accorde la rémission de nos péchés. C’est ce que nous déclare le même Prophète dans un autre endroit: [32] « J’ai dit, je confesserai cotre moi mon iniquité au Seigneur, et Vous, Vous m’avez remis aussitôt l’impiété de mon péché. » Et nous avons une figure sensible de cette vérité dans les dix lépreux que Notre-Seigneur envoya vers les Prêtres, et qui furent guéris avant d’arriver jusqu’à eus. Ce qui fait voir que la véritable Contrition dont nous venons de parler possède une vertu si grande qu’à cause d’elle le Seigneur nous accorde immédiatement la rémission de tous nos péchés.

Un autre puissant motif pour stimuler le zèle des Fidèles, sera de leur donner une méthode pour s’exciter à la Contrition. Il faudra donc les avertir d’examiner souvent leur conscience et de voir s’ils ont gardé fidèlement les Commandements de Dieu et de l’Eglise. S’ils se reconnaissent coupables de quelque faute, qu’ils s’en accusent aussitôt devant Dieu, et qu’ils Lui demandent très humblement pardon. Qu’ils Le conjurent de leur accorder le temps de se confesser et de satisfaire. Et surtout qu’ils implorent le secours de sa Grâce pour ne plus retomber dans des péchés qu’ils ont un si grand regret d’avoir commis.

Enfin les Pasteurs tâcheront d’inspirer aux Fidèles une haine souveraine pour le péché, soit à cause de la honte et de l’infamie qu’il porte avec lui, soit à cause des inconvénients et des maux extrêmes qu’il attire sur noua. Car il éloigne de nous la bonté infinie de Dieu, de qui nous avons reçu les plus grands biens, et qui nous en promettait encore de plus précieux ; et il nous voue à la mort éternelle, à des tourments sans fin, à des supplices infinis.

Voilà ce que nous avions à dire sur la Contrition. Venons maintenant à la seconde partie du sacrement de Pénitence, qui a besoin d’être expliquée par les Pasteurs avec le plus grand soin et la plus grande exactitude, comme on le verra facilement par ce qui va suivre.


[1] Sess., 6. Cap., 6 et 14. 

[2] Psal., 6, 7.

[3] Id. Ibid.

[4] Isa., 38..15.

[5] Homil., 50.

[6] Psal., 12, 2.

[7] Matth., 11, 21.

[8] Joël., 2, 12.

[9] Deut., 6, 5.

[10] Joël., 2, 12.

[11] Matth., 10, 37.

[12] Matth., 16, 25. ---------  Marc., 8, 35.

[13] Deut., 4, 29.

[14] Jer., 29, 13.

[15] Serm., 41.

[16] Matth., 11, 21.

[17] Jonas., 3, 6.

[18] Psal., 6 et 50.

[19] Luc., 7, 37, 48, 51.

[20] Matth., 26, 75.

[21] Isa., 38, 15.

[22] Ezech., 18, 21.

[23] De ver. et fals. poenit. cap., 14.

[24] Ezech., 33, 12.

[25] Jac., 2, 10.

[26] Ezech., 18, 21.

[27] Joan., 8, 11.

[28] Joan., 5, 14.

[29] Epist., 54.

[30] Matth., 6, 14.

[31] Psal., 50, 19.

[32] Psal., 31, 5.